La parabole du juge inique et de la veuve (Lc 18, 1-8)

Prier toujours, sans se décourager

Jésus raconte cette parabole à ses disciples qui sont inquiets des annonces sur la fin des temps (Luc 17). Il leur montre qu’il faut prier.
Le mot grec utilisé, δεῖ (deîn), n’exprime pas une obligation morale mais une nécessité qui s’impose par les faits.
Comme : « il faut bien mourir » ou « il faut racheter du beurre ».
La prière n’est pas un devoir extérieur, mais une condition de vie intérieure.

Jésus ajoute : « toujours » — παντοτε (pantote), c’est-à-dire en toute circonstance, à chaque moment.
Et « sans se décourager » — ἐγκακεῖν (enkakein) :
littéralement “s’affaiblir intérieurement”, “se laisser glisser dans la fatigue du cœur”.
La prière nous garde debout dans l’épreuve, nous évite l’usure intérieure.


Le juge : lucide mais sans amour

« Il y avait dans une ville un juge qui ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes. »

Le verbe φοβούμενος (phoboumenos) indique la crainte sacrée, le respect dû à Dieu.
Ce juge n’a aucune profondeur spirituelle.

Et il est dit qu’il ne respectait pas l’homme :
μὴ ἐντρεπόμενος (mè entrepomenos), qui signifie ne pas se tourner vers quelqu’un, ne pas prêter attention, ne pas considérer.
Ce n’est pas un méchant, c’est un indifférent.
Son cœur est fermé aux autres et à Dieu.

Ce qui est étonnant : il est lucide sur lui-même.
Il sait ce qu’il est, mais cela ne change rien.

Origène : « La lucidité seule ne mène pas à la conversion. »
Chrysostome : « Il comprend la vérité, mais il n’a pas la force de l’amour. »
Cyrille d’Alexandrie : « L’âme sans amour juge correctement, mais reste froide. »

La connaissance sans amour (gnôsis sans agapè) ne transforme pas.


La veuve : l’image de la foi persévérante

Le texte dit : « Il était une veuve » — le grec n’a pas de « il y avait ».
Le mot qui désigne la veuve est χήρα (chêra), de χῆρος (chêros), signifie dépourvu, laissé seul. Elle est celle à qui il manque quelque chose. Elle représente la vulnérabilité, la fragilité humaine exposée.

Toute personne à qui il manque quelque chose peut se reconnaitre en elle.

Elle venait sans cesse :
verbe ἤρχετο (ercheto) à l’imparfait → action répétée, persévérance.

Et elle dit : « Fais-moi justice »
verbe ἐκδικέω (ekdikéō) : rétablir le droit, rendre la justice.

Elle ne demande pas vengeance.
Elle demande le retour du juste.
L’adversaire est appelé ἀντίδικος (antídikos) : l’opposant dans un procès, l’ennemi juridique.

Le juge refuse pendant un temps :
ἐπὶ χρόνον (epi chronon) → le temps mesurable, humain.

Puis il « se dit en lui-même » — εἶπεν ἐν ἑαυτῷ.
C’est un dialogue intérieur, comme celui du riche insensé ou de l’économe infidèle chez Luc.


Le point de bascule

Le juge dit :
« Elle m’épuise » — verbe ὑπωπιάζω (hypôpiazō), qui signifie frapper sous l’œil, puis par extension accabler, user, fatiguer.

La veuve use son indifférence. C'en est presque comique qu'il imagine qu'elle en arrive à lui donner un coup physiquement ! Elle triomphe par la persévérance.

Elle, qui est faible, est forte.
Lui, qui a le pouvoir, est faible intérieurement.

Celui qui croit trouve de la force, même dans l’épreuve.
Celui qui vit centré sur lui-même est épuisé par la moindre demande.


Le contraste décisif : le juge et Dieu

Jésus dit :
« Écoutez ce que dit le juge injuste » — ἀδικίας (adikias), privation de justice.

Et Dieu ?
Ne ferait-il pas justice à ceux qui crient vers lui :
verbe βοάω (boaô) : crier, implorer, appeler de tout son être.

Il leur fera justice rapidement :
ἐν τάχει (en tachei) → promptement, avec une vitesse réelle, même invisible.

Dieu agit sans délai — mais à son rythme, pas au nôtre.


La question qui blesse et qui sauve

« Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »
verbe εὑρίσκω (heuriskô) : trouver réellement.

Jésus sait que ce qui nous décourage, ce n’est pas que Dieu n’écoute pas, mais que nous ne voyons pas encore.

C’est la même question que celle dite à Thomas : « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu. »


Conclusion : une invitation à la confiance totale

Cet Évangile nous dit :

  • La prière n’est pas facultative, elle est vitale.

  • La foi donne de la force intérieure, même dans la fatigue et l’épreuve.

  • Dieu agit réellement, même lorsqu’on ne voit rien.

  • La vraie question est : continuerons-nous d’espérer ?

Comme la veuve,
ne jamais lâcher.

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